L’équipe d’ArchiMed revient de Nancy où elle a participé au Congrès de la Société française d’histoire des sciences et des techniques 2025
Le panel intitulé Faire parler la maladie ? Une histoire de la maladie à la première personne, proposé par Claire Crignon et Yann Craus, a été l’occasion de faire le point sur la place accordée aux voix des patient·es dans les archives psychiatriques. Jessica Schüpbach a proposé une communication sur la place de la maladie dans les lettres des patient·es conservées dans les dossiers médicaux de l’hôpital psychiatrique de Marsens (Fribourg) à la fin du 19e siècle. Alexandre Wenger a proposé une réflexion sur les enjeux et les défis liés à la prise en compte combinée d’archives papier et d’échantillons humains dans la restitution des voix des patients neurosyphilitiques de Belle-Idée sur lesquels porte ArchiMed. La perspective comparative ainsi ouverte nourrit les questions de recherche du volet histoire du projet ArchiMed, en particulier les difficultés méthodologiques de restitution des parcours de vie des patient·es dont les cerveaux sont conservés dans la biobanque de Genève. La présence incontournable de corpus épistolaires de patient·es dans les dossiers fribourgeois fournit en effet un pendant contrasté à leur absence et aux pages demeurées presque blanches des curriculums vitae contenus dans les archives genevoises. Silences et contrastes nous portent à interroger les lacunes archivistiques et à questionner les moyens de les combler.
Présentation de Jessica Schüpbach
Dans le cadre du panel, la question du récit de soi produit par les patient·es a été décliné sous plusieurs formes : usage exponentiel du concept de « first person account » dans les recherches des cliniciens en psychiatrie et intérêt clinique pour la force thérapeutique de ce type de récit, en référence à la psychanalyse (Yann Craus, Camille Jaccard) ; recours, exponentiel également, à la notion de « savoir expérientiel » dans l’approche par les sciences humaines et sociales (Aude Bandini) ; production de récits ordinaires introspectifs ou de récits de soi pour documenter l’histoire des épidémies (Claire Crignon) et l’histoire de la psychologie (Camille Jaccard) ; émergence récente de la notion de « biocitoyens » et d’un retour à l’agentivité des individus en biogénomique et biogénétique (Jessica Lombard). En parallèle, la réalisation d’enquêtes familiales et de récits produits par des proches de malades, entre art et science, participe de cet intérêt (Jennifer Bélanger et Florence Caeyemex).
Présentation de Alexandre Wenger
Autre croisement avec notre perspective ArchiMed, attentive à la nécessité de délimiter une temporalité biographique (quelle portion de parcours de vie prendre en compte, comment « biographiser » des pièces anatomiques), ainsi qu’à la temporalité particulière de la (neuro)syphilis : les recherches sur l’histoire des maladies et des épidémies thématisent la question de leur durée. Raconter permet de clôturer, puis d’historiciser, relèvent certain·es patient·es qui se racontent, tandis que certains cliniciens convoitent les récits rétrospectifs d’adultes qui ont grandi avec l’autisme afin d’éclairer cette affection. On pourrait ajouter que cette perspective actuelle d’étude sur un temps long s’inscrit en miroir du regard posé par les psychiatres suisses sur les patient·es au 20e siècle (des corps-sujets, observés et étudiés en mouvement, vivants, puis morts et autopsiés), ce regard qui a permis la collecte des pièces anatomiques historiques dont ArchiMed explore et réactualise justement le potentiel.